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Le rôle des produits complémentaires dans la diffusion des innovations : le cas de la photo numérique

4 Septembre 2010 , Rédigé par innopi.over-blog.com Publié dans #Histoires d'innovations

Cet article vient en complément de celui qui traite des caractéristiques particulières du processus de diffusion de la photographie numérique.Il s'agit ici de s'interroger sur le rôle des produits complémentaires. La substitution quasi-totale de la photographie numérique à la photographie argentique vient bien sûr en partie de l'amélioration des performances des appareils eux-mêmes. Mais s'en tenir à ce seul facteur serait extrêmement réducteur. Plusieurs technologies complémentaires ont été développées, certaines dans le monde de la photographie, mais d'autres dans d'autres secteurs.

 

Le premier intérêt de la technologie numérique était en effet de pouvoir traiter numériquement et les incorporer dans des documents. Lorsque Sony propose le première modèle de son Mavica en 1981, les traitements de texte commencent seulement à se diffuser et beaucoup de documents sont écris à la machine à écrire. Il faudra attendre 1986 et le premier logiciel de publication assistée par ordinateur (Pagemaker d'Aldus) pour permette l'intégration d'images à un document numérique dans de bonnes conditions. Quant au traitement des images elles-mêmes, c'est en 1990 qu'apparaît le logiciel de référence en la matière : Photoshop. Enfin, à partir du milieu des années 1990, le World Wide Web se développe rapidement et utilise massivement les images numériques au format GIF ou JPEG (que l'on peut également considérer comme des technologies complémentaires, fondées sur des algorithmes de compression). Notons enfin que pour traiter confortablement des images numériques, un matériel informatique puissant est nécessaire. L'augmentation de la puissance des micro-ordinateurs était donc une condition nécessaire au développement de la photo numérique (rappelons qu'au début des années 1980, un PC typique était équipé d'un microprocesseur doté de quelques dizaines de milliers de transistors et d'une mémoire de 64 Ko ! Les deux ont été multipliés par plus de 10 000 depuis).

 

Mais la majorité des photographes souhaitent à un moment ou à un autre obtenir un tirage papier de leurs photos. Les premières solutions vont être personnelles. Si les premières imprimantes à jet d'encre datent de 1976 (IBM 4640 Ink-jet), leur diffusion dans le grand public date du début des années 1990. Et c'est seulement avec le développement de la photographie numérique que l'on verra apparaître les imprimantes "qualité photo". Ensuite, le réseau des laboratoires photographiques, sinistré par la chute des développements/tirages argentiques, va proposer des solutions économiques de tirage de photos numériques.

 

Enfin, les photos numériques doivent être stockées sur des supports remplaçant la traditionnelle pellicule photographique. Les premiers appareils utilisaient des disquettes 2 pouces dont la capacité de stockage de quelques centaines de Ko limitait la qualité des photographies (nombre de nuances limitées pour les couleurs, faible nombre de pixels). A titre indicatif une seule photographie de mon appareil actuel pèse environ 40 Mo au format RAW (environ 10 Mo au format JPEG de qualité maximale). Si la technologie des capteurs avait évolué seule et que les supports de stockage étaient restés les mêmes, on aurait dû brider leurs performances pour permettre le stockage des images. C'est dans les années 1980 qu'apparaîront les premiers disques durs pour micro-ordinateurs. Ils se généraliseront au début des années 1990. On passe parallèlement de capacités de 20 Mo à des capacités de 1 Go.  Le disque dûr sur lequel je stocke mes photos a une capacité 25 000 fois supérieure au disque dûr qui équipait mon premier PC, acheté en 1990 ! On développera également des supports de format réduit pour les PC (clés USB à la fin des années 1990) ou plus spécifiquement conçus pour les appareils photos numériques (cartes SD), dont la capacité va également croître, jusqu'à permettre l'enregistrement de mini-vidéos sur des appareils photo.

 

Si ce cas est particulièrement significatif, les produits complémentaires jouent souvent un rôle important dans la diffusion d'un produit. Cela doit être pris en compte par les entreprises innovantes. Certaines vont développer elles-mêmes une gamme de produits complémentaires (à l'image d'Edison qui, à la fin du XIXème siècle, avait développé tous les éléments clés d'un système - fonctionnant en courant continu - dans son laboratoire de Memlo Park, ou plus récemment d'IBM dans l'informatique). Mais les entreprises ont maintenant tendance à rester centrées sur un métier. Il est en effet de plus en plus difficile de réunir en interne toutes les compétences nécessaires pour être à la pointe sur tous les éléments d'un système complexe. Une autre solution est donc de nouer des partenariats avec des fabricants de produits compélmentaires. Evidemment, il est aussi possible de compter sur la dynamique de vente du produit principal pour que se créent spontanément des produits complémentaires (ce qui s'est passé, par exemple, dans le cas de la micro-informatique). Mais c'est risqué : on risque alors de rester coincé dans un cercle vicieux, les ventes du produit principal ne décollant pas, faute d'une gamme suffisante de produits complémentaires, et les fabricants de produits complémentaires attendant que les ventes soient plus élevées pour lancer leurs produits...

 

Pascal Corbel

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